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How The Elite Hide Their Wealth

Mohsen Marzouk et son envie de société offshore




En plein entre-deux-tours de l’élection presidentielle, Mohsen Marzouk, alors directeur de campagne de Béji Caid Essebsi, prend contact avec Mossack Fonseca, pour ouvrir une société offshore.

Dans les documents fuités du cabinet Mossack Fonseca le nom de Mohsen Marzouk saute aux yeux. L’ancien chef de campagne du Président Beji Caïd Essebssi, et membre fondateur du parti Nidaa Tounes, a pris contact avec Mossack Fonseca pour tenter de constituer une société offshore.

Si cette affaire permet de comprendre la procédure à suivre pour ouvrir une société offshore, elle pose surtout une question morale : un homme politique, résident en Tunisie, peut-il prétendre travailler pour l’intérêt général, tout en voulant délocaliser une partie de son activité?

Mohsen Marzouk écrit au cabinet Mossack Fonseca pour avoir des informations, car il souhaite constituer une société offshore. Le cabinet d’avocats répond à ses questions et lui transfère des documents explicatifs quant aux offres disponibles. Le client n’a plus qu’à faire son choix au milieu de l’offre de services du cabinet de conseil, pour créer sa société aux Iles vierges ou à Anguilla.


Read the full response from Mossack Fonseca here


A l’été 2015, il a secoué la scène politique tunisienne en quittant son poste de secrétaire général du parti majoritaire Nidaa Tounes, dont il est cofondateur, emmenant avec lui une trentaine de députés, et affaiblissant les rangs du Président en exercice.

La tempête qui a eu lieu au sein du parti dirigeant a mis en lumière les pratiques bien ancrées d’une politique faite d’arrangements, alors que le pays traverse une crise économique et sécuritaire grave.

Mohsen Marzouk, homme politique de 50 ans, originaire de la ville de Mahrès dans le gouvernorat de Sfax, commence sa carrière politique dans les années 80. Celui qui rencontre le leader de gauche Chokri Belaid alors qu’il est détenu avec lui, avant d’être gracié par Ben Ali en 1988, semble ne pas avoir de remord à faire le grand écart.

Longtemps impliqué dans les mouvements estudiantins et dans la tendance de gauche, le politicien a travaillé pour l’Organisation arabe des droits humains et intègre dans les années 2000 l’organisation [SUPPRIMER RÉPÉTITION] Freedom House, une organisation non gouvernementale américaine qui promeut la démocratie dans le monde, dont il devient le représentant pour l’Afrique du Nord.

Son nom est cité dans un cable diplomatique datant de mars 2006 et révélé par Wikileaks. M. Marzouk expliquait alors au représentant de l’Ambassadeur William Hudson que “sans dialogue politique ouvert en Tunisie, il était impossible d’assurer un après Ben Ali sans heurts” estimant que pour un changement significatif dans le statu quo politique, il était nécessaire de donner des gages d’assurance concernant les “proches du président “ (NDLR : probablement en référence à la famille élargie de Ben Ali ) et qu’ils pourront “continuer à être pris en charge” après le départ de Ben Ali. M. Marzouk admet tout de même que cela sera problématique diplomatiquement pour les USA, mais insiste sur le fait que c’est le seul moyen de débloquer la situation.

Après la révolution, il revient en Tunisie et intègre la Haute Instance pour la Réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique avec Iyadh Ben Achour.

Parmi les membres fondateurs de Nida Tounes, il a été chef de campagne du président Béji Caïd Essebssi puis son conseiller politique. Il a été secrétaire général du parti Nida Tounes pendant six mois, avant de démissionné pour créer sa propre formation..

Personnage souvent controversé pour ses liens avec l’étranger et ses sorties politiques fracassantes, il est revenu sur la scène politique en 2016 avec une réunion publique le 10 janvier au Palais des congrès de Tunis. Il lance un nouveau parti Harakat Machroû Tounes (Mouvement du projet de la Tunisie) le 20 mars 2016.

Dans une interview accordée au Monde en mars 2016, il présente son nouveau parti ainsi :

“On a peut-être perdu la bataille de sauvetage de la carcasse ancienne de Nidaa, mais en contrepartie nous avons gagné la bataille du sauvetage du projet initial, le projet moderniste réformateur qui devrait contribuer à la naissance de la Tunisie de demain.”

La demande

Décembre 2014 : alors que la Tunisie vit sa première élection présidentielle démocratique, les deux favoris sont aux coudes à coudes : d’un côté le Président sortant, Moncef Marzouki, opposant à Ben Ali, défenseur des droits de l’homme exilé en France, dépassé par Béji Caid Essebsi, ministre de l’intérieur sous Bourguiba, président de la chambre des députés sous Ben Ali. Mohsen Marzouk n’est autre que le directeur de campagne de ce dernier. Or, dans les documents que nous avons consultés, c’est à ce moment-là qu’apparaît son nom. Plusieurs échanges de courriers électroniques montrent que M. Marzouk se renseigne, auprès de Mossack Fonseca sur la procédure de création d’une société extraterritoriale.

Mohsen Marzouk, dans l’entre deux tours de l’élection présidentielle, en décembre 2014, écrit à Mossack Fonseca pour constituer une compagnie aux Iles Vierges. Il demande explicitement à ce que lui soient fourni les documents nécessaires à la procédure de création et les honoraires pour chaque acte.

Le courrier électronique de réponse lui demande de se présenter et de présenter la compagnie MM Business, mais également ce qu’il sait à propos de Mossack Fonseca et par quel biais il a eu connaissance de l’activité du cabinet. Il lui est aussi demandé s’il travaille à Genève ou ailleurs et si il est une “regulated person” : un professionnel.

Mohsen Marzouk répond, le 10 décembre 2014 : “MM” sont ses initiales et il utilise cette adresse e-mail pour le travail.

“MM stands for Mohsen Marzouk, ie myself, and this is the email I use for my business needs. I am an individual who would like to incorporate a company for myself and I am a resident of Tunisia. The aim of the company being to hold financial investments as well as engage in international business.”

Il écrit vouloir créer une société offshore pour lui-même et être résident en Tunisie. En effet il souhaite détenir des placements financiers et s’engager dans des affaires à l’international. Il précise qu’il n’est pas un intermédiaire ou un agent et qu’il sera le propriétaire final de la société.

Il ajoute que c’est par l’intermédiaire d’un individu à Genève qu’il a entendu parler de Mossack Fonseca et qu’il connait également un client du cabinet, qui utilise leurs services pour une entreprise au Panama.

Il précise avoir consulté le site, mais souhaiter avoir des précisions sur les honoraires, pour une création aux Iles Vierges ou à Anguilla.

“I have seen your online order form on the website but wanted to have an idea of the fees involved first. I would be interested to have a proposal for BVI or British Anguilla.”

Dans l’échange suivant il lui est répondu que puisqu’il est un particulier, il n’est pas possible, à Genève de traiter avec lui directement. Il lui faut prendre contact avec la société de fiducie pour être orienté. Et il doit passer par les services du siège social pour avoir des réponses quant à ses questions sur la constitution d’une entreprise.

Il est alors orienté vers un autre conseiller qui lui répond depuis le Panama : une assistante d’une avocat du siège de MF, qui a été désigné pour assister MM dans sa démarche. Les documents d’informations pour la création de société au BVI et Bristish anguilla sont joints à l’email.

Quelques semaines plus tard, la première semaine de janvier, l’assistante de l’avocat relance Mohsen Marzouk faut de réponse de sa part. On peut imaginer que l’investiture de son candidat l’empêche de travailler à ses propres affaires.

“Personnes politiquement exposées”

Toujours sans retour de la part de MM, l’assistante le relance en avril 2015, soulignant être toujours à sa disposition. MM a-t-il changé d’avis depuis?

Ce qui peut sembler étonnant c’est l’insistance de l’employée de Mossack Fonseca. En effet la firme explique que des recherches sont faites sur les potentiels clients. Dans le cas où il s’agirait de Politically Exposed Persons (PEPs), personnes politiquement exposées des précautions seraient prises, expliquait le directeur des relations publiques de Mossack Fonseca, dans un courrier de réponse à ICIJ. Or ici rien n’indique une réticence de la part de Mossack Fonseca à faire affaire avec un politicien tunisien. Bien au contraire…

Les conditions de création d’une société offshore aux Iles Vierges

Dans ces échanges on trouve les documents qui expliquent comment créer une société extraterritoriale.

On apprend ainsi dans le document intitulé : British Virgin Islands Features of BVI Business Companies, qu’une compagnie crée aux Iles vierges Britanniques peut réaliser des transactions dans tous les pays et dans toutes les monnaies et que les activités menées en dehors des Iles vierges sont exemptes de taxation.

“BCs may engage in any lawful business in any country and may carry on transactions in whatever currencies they choose.”

Any business activity or transaction carried out by a BC outside the British Virgin Islands is fully exempt from taxation.

“D’autres avantages sont énumérés comme le fait que les actionnaires et directeurs peuvent être de toute nationalité et résidents dans n’importe quel pays. Il n’y a donc pas de prise en compte de la législation des autres pays. Il existe la possibilité de créer une société écran. Il n’y a pas de nécessité de remplir un bilan financier annuel…”

Par ailleurs il est aussi transmis les honoraires pour les différentes actions faites. Ainsi créer une société coûte 1350 dollars.

Nous avions une série de questions que nous souhaitions poser à M. Marzouk, pour lui permettre d’avoir la parole. Nous avons tenté de le contacter par différents biais, avons soumis notre liste de questions à l’adresse email qu’il utilise pour communiquer avec Mossack Fonseca. Mais nos demandes sont restées sans réponse.

Difficile de savoir quelles étaient donc les finalités des mails de Mohsen Marzouk mais sa seule prise de contact avec le cabinet et ses différents emails nécessitent de la part de l’intéressé des explications, lui qui veut s’imposer comme réformateur et leader dans la scène politique tunisienne.


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